Peut-on refuser la vérité ? – Dissertation de philosophie

1 février 2019 0 Par Edouard

 

Introduction

 

«  La Terre tourne autour du soleil ». Il y a quelques siècles, nous aurions pu dire que cette affirmation était fausse . C’est ainsi, en défendant l’héliocentrisme (et donc que les planètes, dont la Terre, tournent autour du soleil) que Galilée, au XVIIe siècle, suivant les idées de Copernic, fut à de nombreuses occasions censuré et même condamné par l’Église; la haute autorité chrétienne refusa donc la vérité qui se vérifie par l’expérience et semble et fur et à mesure des avancées scientifiques se confirmer et tendre vers la vérité universelle. Plus récemment, au XXe siècle, Wegener, lorsqu’il développa ses théories géologiques sur les mouvements des plaques lithosphériques ( la théorie de la dérive des continents ), la majorité de la communauté scientifique refusa son modèle. Il refusèrent donc la vérité…. Par conséquent, cela peut nous amener à nous demander : Peut-on refuser la vérité ?

 

La vérité, c’est la qualité attribuée à une proposition d’adéquation avec la réalité et le monde qui nous entoure, c’est son rapprochement au réel. Ainsi, un énoncé est vrai s’il s’accorde avec le sentiment que l’on a de la réalité, s’il est en concordance avec ce dernier. Néanmoins, nous pouvons voir la vérité de deux manières : elle peut être relative, dépendante du temps, de la civilisation, c’est ce que l’on appelle au quotidien vérité, cependant la vérité peut aussi être la vérité absolue, universelle, inatteignable ainsi nous ne pouvons que tendre vers cette dernière. En ce sens que pourrait-être une vérité absolue puisque dans toute perception du monde, nous sommes influencés par nos sens ? « 1+1=2 », tout ce qui se réfère aux mathématiques, cependant les mécanismes du monde, du réel sont infiniment plus complexes et aucune vérité, énoncé n’est irréfutable. Sommes-nous tenus à tendre vers la vérité ? L’humanité, au cours des siècles, se rapproche-t-elle de la vérité absolue ou, au contraire, s’en éloigne-t-elle ?

 

Comment savoir si nous allons dans le bon sens puisque la vérité absolue est inatteignable. Par refuser la vérité, nous pouvons comprendre de ne pas consentir, ne pas être en accord, ne pas accepter ce qui est proposé ou plus paradoxalement se priver de la vérité. Cela est-il si stupide que ça quand nous savons que la vérité est inatteignable.

 

Ainsi, nous nous demanderons s’il est possible de refuser et donc de se priver de la vérité alors que nous sommes censés, au cours de notre vie, tendre vers cette dernière ?

 

Tout d’abord, nous verrons si refuser la vérité n’est pas se simplifier la vie en ce sens que la vérité peut être difficile à accepter et il peut être plus simple de l’ignorer. Ensuite, nous nous demanderons si, dans certains cas, en se privant de la vérité, nous ne faisons pas un effort de scepticisme puisque parfois, la vérité est la croyance de l’opinion or, nous ne pouvons pas savoir si nos vérités tendent vers la vérité absolue. Enfin, nous nous demanderons si ce n’est pas justement tendre vers la vérité que de refuser cette dernière puisqu’elle demande un effort de scepticisme, d’interrogation et de se distinguer des autres et de l’opinion.

 

Développement

 

« Regarde la vérité en face ! » . Cela peut s ‘avérer difficile, c’est pour répondre à cela que des groupes sectaires ont inventé des croyances communes aux membres afin de les attirer dans ces groupes en apportant des réponses à des questions existentielles ou, comme pour le cas de la mort, la vérité est difficile à accepter. C’est de la même manière qu’agit la religion en apportant des réponses qui tranquillisent les fidèles et les maintiennent, par la même occasion, dans le droit chemin. Dans ce cas, nous pouvons dire que refuser la vérité permet de se simplifier l’existence, de se préserver et de ne pas affronter ce qui est difficile à admettre.

 

Platon, dans La République nous apporte, avec l’allégorie de la caverne, une réponse à la question à savoir si refuser la vérité n’était pas se simplifier la vie. Ainsi, à travers l’exemple des Hommes enchaînés au fond de la caverne qui tournent le dos à la vérité, symbolisée par la lumière, ces derniers pour une majorité une fois sorti de l’ombre préféreront à cause de l’accoutumance y retourner et ce refus de la vérité est une preuve de faiblesse. Cependant, nous ne pouvons pas parler de refus de la vérité pour ceux qui ne sont pas amenés à en sortir puisque leurs vérités sont les ombres qu’ils voient et ils ne se simplifient pas la vie car ne connaissent pas et n’ont pas la moindre idée de la vérité hors de la caverne. Néanmoins, ils peuvent refuser la vérité qui leur est montrée et, en la refusant au contraire ils se compliquent l’existence et affrontent la vérité, la lumière. Cependant, on peut refuser la vérité et, à ce titre, tourner le dos au soleil : symbole de la vérité et cela est beaucoup plus simple que de le regarder en face. Refuser la vérité peut donc être la facilité car, avec l’accoutumance de l’ombre, cela est plus facile.

 

Par conséquent, refuser la vérité peut être se simplifier la vie dans le cas de par exemple de la religion ou des groupes sectaires. Dans ce cas, les fidèles tournent le dos à la vérité et n’affronte pas une vérité qui peut être dur à concevoir en se réfugiant dans la caverne sans vouloir en sortir. Cependant refuser la vérité peut aussi être pour une personne se trouvant déjà dans l’ombre, dans la caverne faire un effort pour rompre et refuser ce qu’il voit comme la vérité et ainsi en refusant une vérité tendre vers une autre sûrement plus «  vraie ». Ainsi, un religieux refusant ce qu’il perçoit comme la vérité peut être un effort de scepticisme et au lieu de lui simplifier la vie va lui compliquer car il sera amené à rester dans l’ombre et dans le mensonge du à l’accoutumance et au circuit de récompense et cela est encore plus vrai si cela fait longtemps qu’il appartient à ce groupe. De ce fait, il est légitime de se demander si en refusant, en se privant de la vérité ne faisons nous pas un effort de scepticisme ?

 

 

 

 

C’est en se privant de la vérité qu’il lui était montrée que Wegener pas convaincu de cette dernière exerça son esprit critique et développa une nouvelle théorie sur la dynamiques des plaques expliquant donc le mouvement des plaques lithosphériques à la surface de la Terre mais aussi les différences entre plaques continentales et océaniques ainsi que leurs différentes caractéristiques ce qui paraissaient à son époque aberrante. De même, c’est en se privant de la version des «atomes crochus» des philosophes Démocrite et Epicure développée VIe siècle avant J .-C .,que Niklaas Hartsoecker en XVIIe siècle développa son modèle de l’atome qui semble selon les expériences que nous faisons de la réalité plus proche de la vérité absolue. De ce fait, en refusant la vérité nous faisons certainement se que demande le cartésien Descartes à tout Homme d’expérimenter une fois dans sa vie c’est à dire de tout remettre en question ce qui est un effort de scepticisme. Le scepticisme défend le fait que l’Homme ne puisse atteindre la vérité universelle, absolue et, à ce titre, il est bon de remettre en question ce que l’on croit acquis, c’est le fait de toujours laisser planer un doute sur toutes connaissances. Refuser la vérité semble donc être une preuve de scepticisme puisque cela amène à se demander si la vérité que nous détenons est vraiment vraie, est-ce qu’elle tend vers la vérité absolue ou non ?

Pour Bachelard, dans La formation de l’esprit scientifique, tout le monde peut détenir la vérité mais il faut distinguer avoir raison en droit et avoir raison en fait. L’opinion, l’idée majoritairement défendue qui n’est pas remise en question par ceux qui la partage a en droit toujours tort car elle ne se pose pas de question, ne remet pas en cause les énoncés qui sont distingués comme vrais . Néanmoins, l’opinion peut avoir raison en fait. Cependant, ceux qui se privent de la vérité et la refusent d’après Bachelard font un effort, se questionnent et c’est à ce titre que l’on peut avoir raison en droit et non seulement en fait. Les personnes qui refusent la vérité se rapprochent des principes de la science qui sont la problématisation puis la démonstration et cela toujours avec un effort de méthode et d’auto- critique contrairement à l’opinion. Ainsi, refuser la vérité d’après Bachelard pourrait être un premier pas vers la vérité absolue puisque cela consiste à détruire les connaissances antérieures et en n’ayant pas d’opinion sur un sujet. Nous ne pouvons pas faire lumière entièrement sur le réel, il restera toujours des zones d’ombre et, à ce titre, se priver de la vérité peut être une preuve de scepticisme. Comme Bachelard le défend : « Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit». Ces trois phrases résument en partie la pensée de Bachelard basée sur un effort de méthode, de questionnement et de remise en question.

 

De ce fait, refuser la vérité peut aussi être refuser l’évidence que l’on veut nous faire croire comme vérité. Refuser la vérité peut être se simplifier la vie mais aussi montrer un effort de scepticisme cela dépend dans quel sens cela est pris : un religieux se contentant des vérits de sa religion et n’allant pas au delà refuse la vérité par simplicité cependant, un religieux refusant la vérité qui lui est montrée et tentant de tendre vers la vérité universelle fait un effort de scepticisme. Ainsi, cela dépend de quelle vérité on parle mais comme le défend Bachelard : refuser la vérité quelle qu’elle soit si cela s’accompagne d’un questionnement, d’une réflexion, cela ne peut être que bénéfique mais il ne faut pas suivre l’opinion par facilité. L’effort de scepticisme, le doute et le questionnement sont nécessaires pour tendre vers la vérité que l’on qualifierait d’universelle et, pour cette raison, on peut se demander si n’est ce pas justement tendre vers la vérité que de refuser cette dernière.

 

 

 

 

En tant qu’être humains, nous sommes tous manipulés par nos sens et nos facultés (aptitudes, dispositions qui doivent être développées avec l’expérience) mentales limitées. En effet, c’est notre intuition sensible, c’est-à-dire notre capacité à recueillir des informations sensibles par nos sens qui nous dictent sur notre perception du réel et comme cette dernière est bornée, limitée nous ne percevons qu’une partie de la réalité et elle participe à l’interprétation que nous nous faisons du réel. Ainsi, les Daltoniens : à cause d’un problème génétique influençant les cônes ( permettant la vision des couleurs), leur vision et donc leur intuition sensible est limitée, et cela entraîne une déformation des représentations qu’ils se font de la réalité et donc leur vérité n’est pas la même que la nôtre et comment savoir qui s’en rapproche le plus ? Notre imagination crée donc des schèmes ( images que l’on se fait de la réalité ) grâce à deux principes purs à priori (présents avant l’expérience) : l’entendement, qui est la capacité à catégoriser et conceptualiser les objets de la réalité ainsi que l’intuition sensible. Nous sommes donc en tant qu’êtres vivants influencés par nos facultés et celles-ci nous donnent une image faussée de la réalité et des vérités que nous déduisons. Il semble donc que refuser la vérité, du moins celle qui nous est présentée, peut nous permettre de tendre vers une vérité universelle puisque nous luttons contre les différentes limites à notre perception du monde.

Le philosophe Kant, dans Critique de la raison pure, nous montre que pour établir des connaissances (ce qui peut aboutir à des vérités), l’expérimentation est cruciale et que la possibilité de faire des expériences induit que nous avons des facultés intellectuelles ainsi que des impressions sensibles. Ces dernieres permettent la perception du monde qui nous entoure, ce sont des principes purs à priori et ils définissent les limites de notre entendement. Ces représentations que nous faisons de la réalité sont subjectives (elles dépendent de nous) et ainsi chaque personne peut avoir une vérité différente cependant tous les êtres humains, ayant plus ou moins les mêmes fonctionnements et facultés ( plus de 99% du patrimoine génétique identique d’un individu à l’autre ) et donc tous les êtres humains ont plus ou moins la même vérité sur les représentations de notre monde par exemple. Comme le dit Kant : aucune connaissance ne précède en nous l’expérience ce sont donc bien nos facultés, nos sens qui déterminent les impressions, les interprétations que nous avons de la réalité or ces dernières sont limitées et en refusant les vérités qui nous apparaissent cela semble pouvoir nous mener vers des vérités plus universelles ( bien que cela soit paradoxal puisque l’universalité signifie qui embrasse la totalité des êtres, des choses or cela n’est pas le cas ici ).

 

Par conséquent, sachant que nous sommes influencés par nos facultés, limitées, et communes à tous les humains (avec quelques différences), les vérités qui en découlent sur la réalité sont de même incomplètes ou peut être totalement fausses. C’est pourquoi nous pouvons dire que refuser la vérité, subjective due à notre expérience et aux interprétations faussées que nous avons peut nous permettre de tendre vers une vérité plus universelle. Ainsi, nous pouvons refuser la vérité, cela peut permettre de se simplifier l’existence et d’éviter d’affronter ce qui est difficile. Cependant, refuser la vérité peut aussi être légitime et cela témoignant d’un effort de scepticisme quand l’on sait comment on établit nos vérités et connaissant les diverses influences extérieures ( due à l’opinion et aux autres personnes) mais aussi intérieures ( due à nos facultés intellectuelles et sensibles ) qui entrent en jeu. 

 

Conclusion

 

En conclusion, tout d’abord, nous avons montré que refuser la vérité pouvait être l’occasion de se simplifier l’existence puisque la vérité peut être difficile à admettre ou à concevoir, il est donc plus facile avec l’accoutumance de tourner le dos à la vérité que de lui faire face. Ainsi, cela peut permettre comme dans le cas des groupes religieux de se laisser porter par des croyances ou idéologies irréalistes. Néanmoins, dans un deuxième temps, nous avons mis en évidence qu’en se privant de la vérité et en la réfutant, cela pouvait valoir comme un effort de scepticisme et comme le prône Descartes en refusant la vérité on va dans le sens de tout remettre en question et de ne jamais prendre une vérité comme universelle et immuable. De ce fait, en refusant la vérité, nous pouvons contrairement à la première hypothèse se questionner et ne pas suivre l’opinion. Enfin, nous en sommes venus à nous demander si dans certains cas ce n’était justement pas tendre vers la vérité que de refuser cette dernière. En effet, nous sommes tous manipulés par les représentations que nous nous faisons de la réalité et cela du à nos facultés sensibles et intellectuelles qui sont limitées. Par conséquent, refuser la vérité peut permettre d’aller au delà de ces bornes intellectuelles et sensibles et d’accéder à des vérités plus universelles et donc plus en accord avec la réalité. Il est donc possible de refuser la vérité et bien que, dans certains cas, cela puisse être un signe de faiblesse et de facilité cela peut, dans d’autres circonstances, être fortement conseillé et légitime puisque cela est un signe de scepticisme et nous permet de tendre vers une vérité plus absolue.