L’année de l’éveil, Charles Juliet – Analyse de roman

1 février 2019 0 Par Edouard

 

Introduction

 

Charles Juliet est né en 1934 dans l’Ain; sa mère, alors qu’il n’est encore qu’un nourrisson, est conduite à l’hôpital psychiatrique et Charles sera alors placé dans une famille adoptive. Il apprendra, à l’âge de huit ans, l’existence et le décès de sa mère.

Dans ce roman autobiographique : « L’année de l’éveil », publié en 1989, Charles Juliet évoque les années passées à l’école militaire d’Aix en Provence en tant qu’enfant de troupe à la fin des années 40. Là, il y fera l’apprentissage de la discipline, de l’humiliation et de l’amour.

Une autre oeuvre de Charles Juliet : « Lambeaux » publiée en 1995 est également un récit intime concernant son adolescence, un retour vers ses origines.

Je ne peux m’empêcher de rapprocher cette lecture du roman de Nathalie Nothomb : « Métaphysique des tubes » qui lui aussi est une autobiographie et qui ne traite que d’une période bien particulière de la vie de l’auteur

 

 

OBJET – LIVRE

 

Le format de poche de ce roman a été pour moi un avantage pour mon entrée en lecture car il est pratique à emporter avec soi; les caractères sont plaisants à lire car assez aérés. Quant à l’illustration de la première de couverture, celle-ci nous fait comprendre que ce n’est pas une histoire contemporaine mais plutôt située en période de guerre (vêtements de l’époque, photo couleur sépia), elle correspond tout à fait au livre. Pour ma part, j’ai été intrigué par ce jeune garçon allongé sur son lit, en arrière-plan, seul, en train de lire alors que les autres jouent. On ne ressent aucune gaieté dans cette photo toutefois, tous ces éléments ont favorisé mon entrée en lecture et ma curiosité.

 

TENSION DRAMATIQUE

 

J’ai trouvé le récit bien construit du point de vue du développement progressif des informations, on voit évoluer les personnages dans leur environnement. Cependant, j’ai trouvé certains passages un peu longs comme par exemple, celui où il se trouve dans le bureau du colonel.

De plus, ce roman porte bien son nom : « L’année de l’éveil »; en effet, au fur et à mesure que j’avançais dans la lecture du roman, je sentais la progression de ce jeune François qui était comme perdu au début de l’année scolaire: « je suis seul dans le couloir…..et je pleure », il était « un exclu » alors qu’à la fin il dit « avoir beaucoup grandi au cours de

ces derniers mois », il a même conscience qu’il n’est « plus un enfant », il a « mûri ». On le sent mieux dans sa peau, il a pris de l’assurance et ceci même sur le plan sentimental car : « maintenant à ma grande surprise, je n’ai plus peur de la serrer dans mes bras… »

 

LISIBILITÉ/COMPLEXITÉ

 

Le récit est facile à lire, il n’y a pas énormément de personnages et l’auteur nous donne tellement de détails, de précisions que l’on a presque l’impression de les connaître, qu’ils nous sont familiers. Quant aux lieux, l’histoire se déroule essentiellement dans la caserne d’Aix-en-Provence, il est également question du petit village dont l’auteur a la nostalgie.

Pour ce qui est de la chronologie, elle est respectée et n’est pas difficile à suivre car seulement quelques années sont traitées dans ce récit.

 

RÉALISME ET/OU VRAISEMBLANCE

 

Le récit m’a beaucoup plu pour sa vraisemblance, pour sa force. Les détails nous permettent de bien partager les moments de solitude, de peur de l’auteur, je n’ai pas pu être insensible non plus à cette joie qu’il a quand la fin de semaine arrive et qu’il va retrouver Léna (la femme de son chef). J’ai été interpellé aussi par toutes ses questions sur la vie, sur l’amour, sur la cruauté, sur l’existence de Dieu…..qu’il se pose. L’auteur s’interroge à plusieurs reprises tout au long du récit sur ces mêmes thèmes.

J’avais envie de réagir quand son chef le martyrisait en lui écrasant les doigts, j’avais envie de lui dire également d’arrêter de tenir tête au colonel.

 

GENRE/THÈME

 

Je n’ai pu véritablement établir de comparaison avec ma propre expérience mais il n’empêche que ce livre m’a beaucoup intéressé. Il est vrai que moi-même je suis un adolescent et je me sentais de ce fait impliqué. Je me suis attaché à ce jeune François dont les conditions de vie sont difficiles, dont le passage de l’enfance à l’adolescence s’est fait dans la douleur. Et même si c’était une période difficile de sa vie, on a l’impression qu’il fallait qu’il passe par toutes ces épreuves pour se construire.

 

STYLE

 

Le récit est écrit à la première personne, c’est l’auteur même mais sous un autre prénom qui relate sa vie d’adolescent. Ce pronom personnel « je » utilisé donne de la profondeur au vécu de l’auteur.

Charles Juliet fait également beaucoup appel au discours descriptif : « elle est brune, a un beau visage, le teint mat, des yeux sombres, extrêmement vivants, des lèvres pleines….. ». Il nous donne beaucoup de détails.

Le roman est écrit au présent et cela permet à l’auteur de revivre ces moments du passé, cela prouve qu’il a été marqué et il les revit comme s’ils venaient de se dérouler. Le fait d’avoir choisi ce temps de l’indicatif rend plus vivant le texte, donne l’impression au lecteur que ce qui s’est passé dans la jeunesse de l’écrivain est plus proche, que cette période n’est pas si éloignée.

Le style, le vocabulaire sont relativement simples, abordable. L’auteur parle souvent avec lui-même, il y a beaucoup de phrases interrogatives.

L’auteur n’hésite pas à utiliser des mots très forts lors des rapports de force avec certains de ses supérieurs, des gros mots sont même cités : « conneries », « bordel de Dieu, si tu fermes pas ta gueule »……

 

TENSION ÉMOTIONNELLE

 

Ce récit de vie m’a plu et je n’ai pas pu rester indifférent, extérieur à cette histoire même si, je l’avoue, je n’aurais pas aimé être à la place de l’auteur. Cependant, je me suis senti comme un peu impliqué dans le désir de se rebeller de la part de l’adolescent, dans ce sentiment d’injustice quelques fois que les adolescents peuvent ressentir, dans les moments de doutes et de révoltes très souvent présents à la période de l’adolescence, cette période où l’on se cherche. Le jeune François va provoquer le nouveau chef de section, il tiendra même tête au colonel ce qui le mènera au cachot et il risquera l’exclusion de l’école. Cette limite qu’il ne faut pas franchir, il en a pris conscience au moment où il écrit ce livre car il a une cinquantaine d’années.

Il est également beaucoup question de la mort, il se « dit que la mort pourrait me frapper un de ces prochains dimanches », qu’il »serait délivré », qu’il « n’aurait plus à souffrir », il pense même à la mort « comme une amie ».

 

CARACTÈRE MORAL

 

Des valeurs auxquelles j’adhère sont présentes dans cette autobiographie :

  • l’amitié et le respect que François éprouve à l’égard de son supérieur,
  • l’amour qu’il ressent pour Léna, la femme de son chef
  • la passion qu’il a pour la boxe

Ce récit ne me semble pas être moralisateur car il est beaucoup question de violence, de sadisme, de sévices corporels, de gros mots dans ce récit.

 

ORIGINALITÉ

 

Le récit est surprenant car étant donné que c’est une autobiographie on s’attend à ce que l’auteur retrace toute sa vie alors qu’il ne relate qu’une période bien précise de son jeune âge mais nous n’apprenons rien sur sa naissance, sur ses origines. L’auteur a agit ainsi car, à ses yeux, cette période devait être la plus marquante.

Ce qui m’a surpris dans ce livre c’est que les mots ont du mal à sortir de la bouche de François, il préfère très souvent rester muet et contrairement à cela, il a été enfermé car il avait trop parlé. Les mots lui semblent pénibles mais il éprouve pourtant encore le besoin de les graver pendant qu’il est au cachot.

Ce qui m’a surpris dans ce livre c’est que les mots ont du mal à sortir de la bouche de François, il préfère très souvent rester muet et contrairement à cela, il a été enfermé car il avait trop parlé. Les mots lui semblent pénibles mais il éprouve pourtant le besoin d’en graver alors qu’il est au cachot.

 

COMPARAISON AVEC LES AUTRES ŒUVRES DE LA SÉQUENCE

 

Je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement avec le récit autobiographique de Nathalie Nothomb « Métaphysique des tubes » car dans ces deux récits autobiographiques, on sent que le fait d’écrire une partie de son histoire permet de révéler des aspects de sa propre personnalité, de l’existence. En revanche, les deux écrivains ne

racontent pas la même période de leur vie, les lieux sont différents ainsi que les conditions de vie.

 

CONCLUSION

 

J’ai apprécié ce roman qui est un véritable livre d’apprentissage de la vie avec toutes ses douleurs; J’ai apprécié également ce combat quasi permanent de la part de l’auteur qui, arrivé enfant à l’école militaire en est ressorti « grandi », j’ai pu assister dans ce roman à la naissance d’ « un être nouveau ».Ce qui m’ surpris dans ce livre c’est que les mots ont du mal à sortir de la bouche de François, il préfère très souvent rester muet et contrairement à cela, il a été enfermé car il avait trop parlé. Les mots lui semblent pénibles mais il éprouve pourtant le besoin d’en graver alors qu’il est au cachot.