La raison suffit-elle pour connaître ? – Dissertation de philosophie

1 février 2019 0 Par Edouard

 
 

Introduction

 

A la suite d’un raisonnement, nous pouvons aboutir à un certain nombre de convictions, de théories, cependant ce seul raisonnement, logique ou non, dénué d’expérimentation suffit-il pour connaître ?Par définition, la raison est une faculté, une aptitude intellectuelle propre à l’homme, Elle permet d’avoir un avis sur ce qui paraît vrai ou faux à travers un raisonnement (logique ou non). La raison permet la théorisation et se détache ainsi de la pratique, de l’expérience. Étymologiquement, raison vient du latin « ratio » qui signifie le calcul ce qui montre le côté abstrait de la raison liée aux mathématiques.

Or, la connaissance est intimement liée à la raison car connaître c’est avoir une idée plus ou moins juste, savoir de manière plus ou moins précise, ne pas détenir forcément la vérité. La raison, quant à elle, nous permet d’avoir un esprit critique sur nos connaissances. Néanmoins, connaître c’est aussi percevoir, se représenter quelque chose, les sens rentrent donc en ligne de compte. La connaissance, c’est connaître les principes qui régissent le monde qui nous entoure.

Il peut paraître paradoxal que la raison, basée sur la théorie et non sur l’expérimentation puisse suffire pour connaître. Comment le simple fait de raisonner et d’avoir un esprit critique pourrait nous permettre de connaître, de se rapprocher de la vérité ? Ne serait-ce pas l’expérience la plus adéquate pour nous amener à comprendre le monde qui nous entoure ? Ainsi, nous nous demanderons si la raison, en tant que faculté propre à l’homme et dénuée d’expérimentation peut nous amener à la connaissance du monde qui nous entoure.

Pour dépasser ce problème, tout d’abord nous nous demanderons si la raison et l’expérience ne sont pas les deux éléments essentiels de l’accès à la connaissance dans la mesure où l’une sans l’autre ne peut aboutir à des connaissances solides et cela révèle d’une approche empiriste de la réalité. Ensuite, on s’interrogera sur la connaissance et son rapport à la vérité (connaître est-ce forcément la vérité?) en prenant en compte que la limite de la connaissance est la vérité et qu’ainsi nous ne pouvons jamais l’atteindre. Enfin, on va se demander si la raison pure nous permet de tendre vers la vérité puisque la raison, par définition, nous permet de distinguer le vrai du faux.

 
 

Développement

 

Pour avoir des connaissances, il paraît normal de faire des expériences dans la réalité puis faire preuve de raison, raisonner afin de sélectionner les expériences porteuses d’information. Il faut donc avoir une approche empiriste. La raison est une faculté, c’est un acquis c’est-à- dire qu’elle dépend de l’expérience. Nous pouvons constater que la raison et l’expérience sont liées, l’un ne marche pas sans l’autre dans l’établissement des connaissances. Pour faire preuve de raison, il semble logique qu’auparavant nous ayons fait des expériences qui nous permettent de développer cette dernière. Selon les empiristes, tout est en devenir, rien n’est donné. Nous pouvons prendre comme exemple la théorie de la relativité générale développée par Einstein, elle a dû tout d’abord être théorisée grâce à la raison, au « calcul » puis démontrée à travers des expériences, la répétition. Enfin, il a dû encore faire preuve de raison, de logique afin de sélectionner les expériences porteuses de sens et en faire d’autres. Ainsi, nous pouvons remarquer que la raison et l’expérience ne sont pas dissociables de l’acquisition de connaissances.

Selon Hume, dans Enquête sur l’entendement humain (Section IV), tout ce que nous savons de la réalité nous vient de l’expérience et de la répétition, même ce qui nous permet de la connaître comme le rapport de cause à effet. Ainsi, même ce raisonnement n’est pas inné mais est dû à l’expérience, il est donc acquis. Hume fait une critique de la raison pure car tous les raisonnements sur les faits se basent sur la relation de causalité or cette dernière est acquise. Par conséquent, Hume nous montre l’importance de l’expérience dans l’établissement de connaissances car même la raison en découle.

Ainsi, nous avons vu que la raison qui permet de théoriser et de faire preuve de logique est nécessairement couplée à l’expérience dans l’acquisition de connaissances. La raison étant un acquis et découlant de l’expérience, on ne peut les dissocier et nous pouvons donc les établir comme les deux moyens essentiels dans l’apprentissage de connaissances. Cependant, les connaissances que nous établissons sont-elles vraies ? La combinaison de l’expérience et de la raison ne nous trompe-t-elle pas ? Tout ce qui nous entoure, toutes nos connaissances sont-elles vraies ?

 

 

Ce que nous appelons connaissance, ce que nous croyons connaître sur les principes qui régissent notre monde peuvent être vrais ou faux et cela évolue en fonction du temps. La vérité est la qualité d’adéquation avec la réalité, c’est une affirmation humaine en concordance avec le réel. Une idée, une connaissance peut être dite vraie à condition qu’elle se rencontre dans la réalité.Or, comment peut-on être sûre de ce que nous percevons de la réalité alors que la perception utilise les sens. L’image que nous nous faisons de la réalité est-elle vraie ? Ce que nous avons cru vrai et donc assimilé à une connaissance ne l’est peut-être plus aujourd’hui. Et ainsi, nous pouvons nous interroger sur le rapport entre la connaissance et la vérité. Connaître, est-ce la vérité ? Prenons pour exemple le modèle de l’atome : au Vème siècle, un premier modèle fut créé par Démocrite et Epicure : les « atomes crochus » puis Bohr établit le modèle de l’atome avec un noyau autour duquel gravitent les électrons et finalement, plusieurs physiciens dont Schrödinger établirent l’atome comme un noyau entouré par un nuage d’électrons où chaque électron a une probabilité de présence à un endroit donné. Ainsi, à travers les avancées scientifiques, nous pouvons voir qu’une connaissance jugée vraie à une époque ne l’est plus ensuite. Par conséquent, il existe un lien fort entre connaissance et vérité mais qui dépend du temps.

Nous pouvons donc analyser l’œuvre de Platon : La République et plus précisément : l’Allégorie de la Caverne (extrait du livre VII). Cette dernière nous éclaire sur la notion de vérité dans notre société. Ainsi, pour ceux qui sont au fond de la caverne, les ombres peuvent être assimilées à des connaissances. Dans la caverne, les personnes ont des connaissances différentes, les manipulateurs sont plus proches de la lumière : vérité et ne croient donc pas dans les mêmes principes. Avec cette allégorie, Platon souligne aussi que tout homme accoutumé à une idée aura du mal à en changer, il faut donc du temps, de la persévérance et l’aide de personnes hors de la caverne pour en sortir. Or, en sortant de la caverne, et même avec l’accoutumance, il ne pourra regarder le soleil en face (symbolisant la vérité). Nous pouvons donc dire que la limite de la connaissance est la vérité. De ce fait, nous pouvons tendre vers la vérité mais sans jamais l’atteindre.

Il existe donc un lien fort entre connaissance et vérité car en cherchant à acquérir des connaissances, nous essayons d’atteindre la vérité. Nous nous rapprochons toujours plus de la vérité. Ce lien que nous établissons entre connaissance et vérité dépend du temps qui s’écoule. Or, la limite de la connaissance étant la vérité, cette dernière n’est jamais atteinte. Néanmoins, c’est l’expérience qui nous trompe, nous pouvons être abusé alors, qu’adviendrait-il si nous n’utilisions que la raison (ne dépendant que peu de l’expérience) afin d’établir des connaissances ? La raison pure permet-elle d’accéder à la vérité ?

 

 

 

Par raison pure, nous entendons la raison seule, dénuée d’expérience même si, comme nous l’avons vu, elle en dépend toujours un peu. Ainsi, la raison pure nous permet-elle d’accéder à la vérité ? Cela est possible grâce au fait qu’elle soit peu influencée par les expériences et qu’elle soit plus proche de la théorie que de la pratique. Nous pouvons prendre l’exemple de la démonstration de Descartes concernant l’existence de Dieu grâce à la raison. Ainsi, Descartes cherche quelque chose qui ne viendrait pas de l’extérieur, pas de la réalité, ni de l’expérience mais seulement de lui : l’infini. Toutefois, on ne peut pas expérimenter l’infini ; cependant Descartes l’imagine, donc quelque chose l’a mis en lui et la seule personne ayant pu faire cela, c’est Dieu. Par conséquent, nous pouvons voir que la raison pure amène à des réflexions intéressantes mais qui semblent néanmoins déconnectées du réel.

Dans Les principes de la philosophie, Descartes développe son approche rationaliste, c’est-à-dire qu’il croit en la raison pure et non en l’expérience. Descartes est cartésien, il remet tout en question et fait preuve de scepticisme. Cela explique son intérêt pour les mathématiques qu’il associe à la raison pure. Il a besoin d’une science sûre afin de construire ses connaissances à partir de cela. Les mathématiques sont donc considérées comme les racines (en s’imaginant un arbre des sciences)et c’est à partir de là que peut apparaître la métaphysique et la physique ( le tronc). Par conséquent, pour établir des vérités, il faut avoir une approche dénuée d’expériences mais basée sur la raison pure, la seule chose d’après Descartes qui nous permet de nous appuyer dessus afin d’établir des connaissances vraies.

Ainsi, la raison pure grâce à son côté dépourvu d’expérimentation permet d’établir des connaissances sans être influencé par l’expérience. Or, comme nous l’avons montré, l’expérience peut nous manipuler. Dans ce sens, la raison pure permettrait de prouver des connaissances théoriques et peut-être vraies mais sans lien avec le réel. Or, une vérité n’est-elle pas un énoncé en adéquation avec le réel ? La démonstration de Descartes sur l’existence de Dieu est peut-être vraie mais semble cependant peu probable de part son éloignement avec le réel. La raison pure, seule ne semble donc pas nous amener à la vérité et ne suffit donc pas à établir des connaissances.

 
 

Conclusion

 

En conclusion, nous avons tout d’abord montré que la raison et l’expérience sont les deux moyens essentiels dans l’acquisition de connaissances, ces derniers étant très liés et la raison dépendant de l’expérience nous a confirmé que l’approche empiriste nous permet d’établir des connaissances. Ensuite, nous nous sommes demandés si la connaissance implique la vérité et ainsi, nous avons vu que nous pouvons être influencés, abusés dans nos expériences et être amené à connaître des principes qui sont faux. Enfin, nous avons étudié l’accès à la vérité par la raison pure. L’avantage de cette dernière étant le fait qu’elle soit dénuée d’expérimentation et ainsi puisse nous permettre d’atteindre la vérité sans être influencé. Cependant, la raison pure nous amène à des conclusions plus éloignées de la réalité et en opposition avec la définition de la vérité qui implique une adéquation à la vérité. La raison, à elle seule, peut donc nous amener à avoir une ouverture sur le monde, à théoriser le monde qui nous entoure. Cependant, pour le connaître, l’expérience est nécessaire et une approche empiriste semble plus adéquate qu’une approche rationnelle. La raison ne suffit donc pas pour connaître mais nécessite également l’expérience.