Les Conquérants, dans Les Trophées, José Maria de Heredi – Résumé détaillé

22 juin 2019 0 Par Stanislas

 

Problématique : Que s’agit-il de conquérir ?

Un poème sur le voyage

Les déplacements sont omniprésents dans ce poème, comme le montrent les verbes « partir », « aller », « conquérir ». L’action dure et semble inachevée (emploi de l’imparfait). Il n’y a pas de destination précise, pas de but clair au départ. Il s’agit de partir pour quitter davantage que pour aller quelque part.

L’exotisme est mis en avant. En effet, les lieux ne sont pas situables, comme si leur intérêt était uniquement sonore (« Palos de Moguer », « Cipango »). Cependant, ces noms sont vrais (Palos de Moguer est le port de départ de Christophe Colomb), ce qui donne de la crédibilité à l’aventure. Les mots « tropiques » ou encore « océan » font bien référence à l’exotisme du voyage pour le français qui lirait ces lignes.

Le voyage est aussi mis en avant par le danger et l’inconnu. Des expressions l’attestent : « rêve brutal », « bords mystérieux », « ciel ignoré », « étoiles nouvelles », par lesquelles on découvre davantage des mondes nouveaux que de l’or. Le rêve devient réalité, une réalité différente que celle attendue (l’or), et de ce qui est connu (les étoiles nouvelles font référence à l’entrée dans l’hémisphère sud).

L’objet de la quête motive le voyage. Les conquérants cherchent de l’or : « le fabuleux métal », « mirage doré ». Ce ne sont que des périphrases, le mirage et la fable expriment bien peu de réalité. Le mot « or » n’est jamais cité, il est pourtant bien présent : « hors », « porter », « bords », « phosphorescent », « doré », « ignoré » … Ce n’est pas la cupidité mais l’aventure qui motive ces conquérants.

C’est l’époque des grandes découvertes et des grandes explorations de la Renaissance : « bords du monde occidental » que l’on repousse pour montrer que la Terre n’est pas si plate que ça, « tropiques » que l’on traverse pour la première fois, à bord de « caravelles ». Le C majuscule accordé aux Conquérants leur donne une identité plus qu’un nom propre.

Conclusion partielle : le voyage est important dans ce poème, néanmoins il ne s’agit pas seulement de cela.

Un poème sur l’être humain

L’homme ne semble jamais seul, jamais cité individuellement, mais toujours en groupe : « Les Conquérants », « routiers et capitaines », « ils », « leur » … Les humains sont sujets de plusieurs verbes de ce poème, ce qui suggère qu’ils prennent en main leur destinée. Le groupe symbolise ici l’humanité.

Les causes qui ont poussé ces humains à voguer sur les caravelles sont nombreuses : la fatigue, le rêve, les mirages, le désir d’aventure… Les raisons sont psychologiques avant tout, et l’intérêt matériel (quête de l’or) passe après.

Ces causes peuvent permettre au lecteur de s’identifier dans ce texte, parmi la foule des conquérants : la misère, le rêve, l’espoir, le sommeil. Ceci donne au texte une autre dimension. L’expression « routiers et capitaines » renvoie au monde hiérarchisé, donc à tout le monde, ce qui est utilisé au début mais abandonné ensuite : l’humanité n’est plus hiérarchisée mais regroupée dans le « ils ».

Les hommes investissent leur personne dans ce voyage, leur état d’esprit est à la conquête et ils semblent décidés : « partaient » en rejet (verbe se rapportant à une strophe, mais écrit à la strophe suivante) signifie qu’ils se projettent vers l’avenir. Ils semblent avoir confiance en leur mission et croire en ce qu’ils font : « espérant », « penchés vers l’avant ». Le contraste de la condition humaine, si on veut la prendre dans son ensemble, est symbolisé par les oxymores suivants : « misères hautaines », « héroïque et brutal », « penchés » / « regardaient monter ».

L’homme semble échouer à sa quête : l’or n’est qu’un mirage. Cependant, il obtient le succès dans la découverte de nouvelles terres et d’un nouveau monde. Le poème semble se structurer ainsi : d’abord on a la quête de l’or, puis l’échec de cette quête, et enfin la découverte de ces mondes nouveaux. Le « ciel ignoré » est une référence à Dieu ?

Conclusion partielle : Le poète nous donne ici une image de la condition humaine, les conquérants étant les humains, avec leurs motivations, leurs doutes, leurs échecs et leurs réussites.

Le mot de la fin

Ce poème semble présenter une double lecture : c’est à la fois un hommage aux « Conquérants » (Hérédia a lui-même un ancêtre conquistador), et une description de l’homme. Le titre ne semble être qu’un prétexte pour parler de l’homme en général, Les Trophées a une valeur ironique : le but que les « Conquérants » cherchaient n’a pas été atteint, mais un autre s’est dessiné : l’homme s’est découvert en découvrant ce nouveau monde.