Analyse de roman : La vague, Todd Strasser
Introduction
Paru en 1981 aux États-Unis, le roman : La vague a été écrit par Todd Strasser. Véritable best-seller en Europe, il a été vendu à plus d’un million d’exemplaires. Ce n’est cependant qu’en 2008 que ce roman est paru en France puis adapté au cinéma. Avant ses début dans la presse, Todd Strasser a parcouru l’Europe et a mené une vie de saltimbanque.
Le récit : La Vague est basé sur l’histoire réelle d’un professeur d’histoire dans un lycée de Californie (Etats-Unis) dans les années 1970. Ne réussissant pas à expliquer à ses élèves pourquoi les citoyens allemands avaient basculé dans le nazisme, il avait créé un mouvement expérimental afin de leur faire comprendre les mécanismes du régime nazi. Mais ce qui n’était qu’une expérience au début finira en dictature !
Ce roman fait écho d’une certaine manière au récit : Lorsque j’étais une œuvre d’art d’Eric-Emmanuel Schmitt. Dans ce dernier, il est question d’un artiste qui perd le contrôle de son œuvre. Dans l’œuvre La Vague : c’est un mouvement expérimental composé d’élèves d’un lycée. C’est ce mouvement que le maître ne réussira plus à maîtriser, qui prendra le dessus sur lui.
Objet-Livre
Le format du livre (format poche) est pratique pouvant être emmené et lu partout et je trouve toujours cela un avantage pour mon entrée en lecture. Pour ce qui est de la police d’écriture, elle est plaisante à lire, les caractères étant bien aérés.
Quant à la première de couverture, elle représente un poing levé comme en signe de lutte, de révolte, de discipline et cela nous donne déjà un avant goût du livre. De plus, la phrase en bas de la couverture nous confirme cette idée « cela commence par un jeu et finit par une dictature ». On s’attend donc à une certaine gravité du sujet, le lecteur y est préparé.
Tension dramatique
J’ai trouvé le dévoilement des informations assez soutenu au niveau du rythme, sans longueurs. Ce que je reproche, c’est que l’embrigadement des élèves s’est déroulé trop rapidement. Tout s’est déroulé bien trop vite alors qu’ « ils pouvaient refuser de participer » car « rien ne les obligeait ».
Tout au début de cette fameuse expérience, il y a eu un nom de donné : la Vague. Ensuite, il a fallu saluer, « obtempérer », « obéir docilement », « répéter les slogans encore et encore ». Le pire, c’est que les lycéens « le voulaient ». Et dire que tout découle de l’histoire d’un homme qui « s’était accidentellement glissé dans la peau d’un dictateur ».
Lisibilité/Complexité
Le récit est facile à lire en raison du peu de personnages :
- Laurie Saunders : jeune lycéenne très populaire, intelligente et également rédactrice du journal du lycée.
- Amy : meilleure amie de Laurie et rivalisant au niveau scolaire avec elle.
- David : petit ami de Laurie et capitaine de l’équipe de football du lycée.
- Ben Ross : professeur d’histoire apprécié au sein du lycée et à l’origine du mouvement « La Vague » dont il deviendra le leader.
- Chrysty Ross : épouse de Ben, également professeur au sein du même établissement. Elle essaie de faire prendre conscience à son mari que certains de ses actes le mène un peu trop loin.
- Robert Billings : élève assez particulier et à l’écart des autres. Renfermé, il vit dans l’ombre de son frère aîné. Le mouvement va lui permettre de s’affirmer.
En ce qui concerne les lieux, l’essentiel des évènements se déroule au sein du lycée.
Réalisme et/ou vraisemblance
Le roman m’a plu pour son caractère vraisemblable. En effet, l’histoire se base sur des faits réels, le mouvement expérimental testé par ce professeur d’histoire a véritablement existé.
Ce livre m’a permis de me rendre compte qu’un régime tel celui des nazis pouvait se reproduire. Que des élèves se soient laissés entraîner, « embrigader », « enrôler » comme il est dit dans le roman me paraît inconcevable et surtout aussi facilement et rapidement. Les élèves qui sont en général assez réfractaires par rapport à la discipline s’y plient sans vraiment broncher dans ce roman ! Ce qui m’a surpris c’est donc la facilité avec laquelle ils sont rentrés dans le rang. Les slogans sont forts, persuasifs « le pouvoir par la discipline », « la force par la communauté », « la force par l’action ».
Genre/Thème
Je ne peux établir de comparaison avec ma propre expérience car je n’ai jamais vécu une telle situation. Cependant, cela m’a amené à réfléchir sur le sujet, cela m’a fortement interpellé et peiné. Je me suis demandé comment j’aurais réagi si de telles choses s’étaient produites dans ma propre classe, quelle aurait été ma réaction. Je pense que j’aurais réagi en disant ce que j’en pensais au lieu de me fondre dans la masse. Mais il y a un autre problème avec les jeunes, c’est que nous n’aimons pas trop nous démarquer. Souvent, pour être accepter par le reste du groupe, nous pouvons avoir envie de faire comme les autres, il peut donc y avoir un effet d’entraînement.
Style
J’ai trouvé que le récit était écrit dans un style assez courant et qu’il se lisait bien, d’une manière fluide. A certains moments et surtout au début (avant la création du mouvement), le niveau de langue est même familier : « ouais », « aux chiottes », « la cafet », « nan », « un mec ». Il faut bien se dire que l’écrivain a reproduit le langage des lycéens et cela n’est pas choquant.
Tout au long du roman, Todd Strasser utilise des mots forts : « obtempérer », « obéir », « contrainte », « terreur », « la force par la discipline », le mot « discipline » est même répété à de nombreuses reprises au cours du récit. Nous trouvons également pas mal de vocabulaire appartenant au champ lexical de l’armée avec : « régiments », « soldats », même le lycée est comparé à « une caserne ».
La peur tient une grande place : un élève témoigne en envoyant une lettre anonyme de peur des représailles de ses camarades.
Pas mal de connecteurs logiques sont utilisés tels que : « mais », « pourtant » par exemple lorsque le professeur ne comprend pas comment il en est arrivé là. De même lorqu’il se rend compte (en fin de roman) qu’il est dépassé par les évènements, obligé de trouver une solution radicale. Des coordonnants de conséquence « alors », « donc » sont présents quand le professeur fait le bilan de ce qui se déroule, quand il réalise de l’ampleur du mouvement.
Cependant, je trouve que le style, vu la gravité du sujet, est quand même simpliste.
Tension émotionnelle
Le récit ne m’a pas permis de m’identifier cependant il m’a intéressé. J’ai été choqué de voir avec quelle docilité les lycéens se sont pliés aux exigences du « leader ». En lisant ce roman, il ne m’a pas été possible de rester indifférent car cela prouve que les gens n’ont pas tiré les leçons du passé. Ils sont prêts à reproduire le même schéma qu’à l’époque nazie avec : « un slogan », « un mouvement national des jeunesses de la vague » (mouvement qui fait référence aux mouvement des jeunesses hitlériennes), « des cartes de membre ». Ils sont capables d’actes de violence envers leurs propres amis et même de s’en prendre à un lycéen parce qu’il est juif. Quant au salut du mouvement, même s’il est « débile », comme le reconnaît un élève, ils le font quand même car c’est leur signe d’appartenance. Comment cela est-il possible, comment peut-on en arriver là ? Cela paraît aberrant.
Caractère moral
Les valeurs présente des valeurs auxquelles j’adhère mais dans un autre contexte. Par exemple, il existe une grande solidarité entre les élèves, ils font partie d’ « une communauté », « d’une équipe », ils sont « tous égaux », il n’y a pas de compétition. Les lycéens ne font plus qu’un : « la classe se leva comme un seul homme et répondit d’une même voix ». Le fait de faire partie de ce mouvement donne de la force : même un élève réservé comme Robert Billings se révèle. C’est une renaissance pour lui, il s’investit et se propose même pour être « le garde du corps » du professeur : « leader ».
Une autre valeur est également présente, il s’agit de l’amour. Cela va permettre d’ouvrir les yeux de Ben Ross ou de David. Ainsi, pour le cas de David, c’est après un acte de violence, dont il sera l’auteur à l’égard de sa petite amie : Laurie que cela réveillera sa conscience et lui permettra de se rendre à l’évidence qu’il l’aime. Quant à Ben Ross, entraîné dans un engrenage incontrôlable réussira à éviter le pire grâce à son épouse Christy qui sera toujours à l’écoute et lui expliquera les choses de manière calme ou « sur le ton de la plaisanterie ».
Il est question également de liberté mais de liberté bafouée. Les lycéens finissent par être privés de conscience comme s’ils avaient été « lobotomisés » et se laissent entraîner dans une véritable dictature.
Ce récit m’apparaît comme moralisateur car l’auteur nous fait comprendre qu’il n’est pas toujours bon de suivre un mouvement. Il faut être vigilant et ce n’est pas avec la violence, la force que l’on arrive à ses fins.
Originalité
La fin du roman La Vague ne m’a pas surprise car on se doutait que le mouvement allait s’arrêter. En effet, il le fallait absolument. Néanmoins, on a eu connaissance de la solution retenue par Ben Ross seulement dans les toutes dernières pages du livre : l’écrivain a su maintenir le suspens.
COMPARAISON AVEC LES AUTRES ŒUVRES DE LA SEQUENCE :
Je peux rapprocher cette œuvre de celle d’ Eric-Emmanuel Schmitt « Lorsque j’étais une œuvre d’art » ainsi que de celle de Mary Shelley « Frankenstein » qui traitent de monstres. Dans La Vague, le mouvement expérimental dont le professeur est à l’origine a créé lui aussi des monstres !
Conclusion
Ce roman m’a amené à réfléchir sur le fait que de nos jours encore un tel drame pourrait se reproduire. Pourtant, difficile d’imaginer que des personnes pourraient être tentées par un mouvement similaire à La vague. Dans l’Europe actuelle par exemple, cela, hélas, ne paraîtrait pas inconcevable et ce ne serait pas des élèves d’un lycée mais des populations entières ! Il y a peut être quelque part un nazi qui sommeille.